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HISTORIQUE

1843-1881 : L’école libre et l’école municipale de dessin

La Casbah d’Alger

L’école Supérieure des Beaux-Arts d’Alger tire ses origines d’une première école libre de dessin créée par le peintre français Achille Bransoulié en 1843. Située en plein cœur de la Casbah, elle a pour projet d’enseigner gratuitement les rudiments du dessin appliqué aux arts. L’engouement est immédiat et en un an, l’école passe d’une vingtaine à une centaine d’élèves de tous âges, conditions et genres 1. Elle est transformée en 1877 en Ecole municipale de dessin.

 Il n’est certes pas un vieil Algérois qui ne se souvienne de l’Ecole municipale de dessin, dirigé par M. Bransoulié. Elle nichait, il y a quelque vingt ans de cela, au fond d’un long, étroit et sombre corridor de l’une de ces vieilles maisons de la rue Bab-el-Oued, dont la rénovation remonte à un demi-siècle.

Journal Général de l’Algérie et de la Tunisie du 20 mai 1897

1881-1962 : L’école Nationale des Beaux Arts

Une école nationale

Par décret du 8 novembre 1881, « L'école de dessin d'Alger est érigée en école nationale des Beaux-Arts. Cette école est instituée en vue de former les jeunes gens et les jeunes filles à la pratique des arts, à l'enseignement du dessin et à l'exercice des industries relevant de l'art. »2

Charles Labbé, architecte prix de Rome et peintre, est le premier directeur de l’Ecole nommé par l’Etat. Son projet est celui d’une école nouant des relations fortes avec les institutions régionales et préparant les étudiants aux examens d'admission à l'École des beaux-arts de Paris ou aux concours pour l'obtention du brevet de professeur de dessin.

Les premiers directeurs des Beaux-Arts


 M. Dubois (1885-1909)
 
M. Fourquet (1909 par interim), M. Cauvy (1909-1933), M. Loth (1933/- ?), Louis Ferdinand Antoni, Pierre Olivier ( ? -1962).

Une école à l'étroit

Nous sommes obligés de reconnaître, après 16 années d'études et de tentatives infructueuses, que l'Ecole Nationale des Beaux-Arts d'Alger qui, selon l'expression employée en 1881 par M. le Ministre de l'Instruction Publique « étouffait dans la maison occupée par elle y étouffe encore. »  

 

Bulletin municipal officiel de la ville d'Alger du 20 novembre 1897, en ligne ICI

Le quartier de la Marine vers 1952

Le quartier de la Marine vers 1952

Si l’Ecole est désormais sous la tutelle du Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, la ville d’Alger s’est engagée à couvrir les frais de location de l’immeuble. L’école est alors transférée rue Charles-Quint, devenue depuis rue Charlemagne.

La question des locaux de l’école est cependant particulièrement sensible.

En 1901, l’Ecole déménage enfin et s’installe dans le quartier de la Marine, dans la mosquée « El-Kechach », au cœur d’un quartier dont une grande partie sera détruite en 1954.

Le nouvel emplacement n’est toujours pas satisfaisant et tout au long de ces années, de nombreux articles feront état de la vétusté des locaux et de la dangerosité du quartier.

Beaucoup regrette le manque de moyens et surtout de valorisation du champ de l’enseignement artistique 3 .Pour autant l’école continue à prendre de l’ampleur, elle passe de 220 élèves en 1881 à 450 élèves en 1936 5. 

Entrée principale, rue des consuls (domaine public)

 L’Ecole des beaux-Arts d’Alger a déjà formé toute une lignée d’artistes dont beaucoup ont fait – et poursuivent – une carrière remarquable. Parmi ces brillants élèves il en est quatre qui enseignent, là-même, où ils furent enseignés, ce sont le peintre Antoni, le sculpteur Beguet, l’architecte Claro, qui succèda à M. Darbéda lui-même élève de l’Ecole. 

                                                                                                                             Gustave Mercier, en 1936 dans la revue Algeria

Salle des moulages, école des Beaux-Arts d'Alger (rue des consuls), 1935.

De nouveaux bâtiments

En 1945, le maire d’Alger acquiert l’emplacement de l’Ecole actuelle et met en place un grand concours international pour la construction d’un nouveau bâtiment. Le chantier est confié à Léon Claro (architecte de la Villa du Centenaire dans la Casbah en 1930, de l’hôpital néo-mauresque de Tizi-Ouzou de 1958 à 1964, et du bâtiment de l’UGTA place du 1er Mai en 1935) et Jacques Darbéda. La construction de l’édifice de style moderniste commence fin 1950 et s’achève en 1954.

 

Cette même année, est engagée une grande réforme de l’enseignement artistique ; l’inspecteur général Georges Fontaine crée le CAFAS (Certificat d’Aptitude à une Formation Artistique Supérieure) qui ouvre aux étudiants algériens les portes des écoles françaises comme celles des Beaux-Arts ou des Arts Décoratifs. Une des grandes volontés de Georges Fontaine est la formation de nouveaux enseignants en art. Est ainsi créé un diplôme en un an, le Diplôme national des Beaux-Arts, permettant à ses titulaires d’enseigner.

Léon Claro entouré de huit artistes appelés à décorer le Foyer Civique, 1934

1962-1970 : l'Ecole Nationale d'Architecture et des Beaux-Arts

Suite aux accords d'Évian du 18 mars 1962, l’Algérie est déclarée indépendante le 3 juillet de cette même année. Cet épisode marque le terme d’un long conflit de 8 ans et de 130 ans de colonisation. 

  C’est ainsi que dès décembre 1962, l’École Nationale des Beaux-Arts d’Alger, restaurée après qu’elle fut l’objet d’un plastiquage par l’OAS, devint [par décret du 8 mai 1968] l’École Nationale d’Architecture et des Beaux-Arts et s’ouvrit aux Algériens, comme ce fut le cas, dans la même période, pour les écoles d’art d’Oran et de Constantine. 

 

LAGGOUNE AKLOUCHE, Nadira, Structure de la réappropriation, Rue Descartes 2007/4 (N°58) p. 128

Ces changements de société ont un impact sur la gestion de l’école, qui passe sous la tutelle du Ministère de l’Education Nationale Algérien. Cependant d’un point de vue artistique, elle reste encore liée à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. L’ENABA, comme on la désigne à cette période, a la particularité d’être aussi un lieu d’enseignement de l’architecture. Au sein de l’école, la formation des étudiants est ainsi divisée en trois grandes sections distinctes : l’architecture, les beaux-arts et les arts appliqués ou « arts musulmans ».

Un nouveau départ

Le 15 novembre 1962 et après un an de fermeture, l’Ecole des Beaux-arts rouvre ses portes au cœur d’une Algérie indépendante.  Sous la direction de Bachir Yellès, l’école adopte une nouvelle politique d’admission qui participe au renouveau de la scène artistique algérienne. En effet, parmi les 80 élèves de cette promotion, presque aucun n’est diplômé.  C’est le début d’une logique qui persiste plusieurs années dans les critères de sélection d’entrée à l’Ecole : la réussite au concours d’admission est le seul préalable pour l’intégrer. Ainsi, Hellal Zoubir précise que jusqu’en 1985, le talent et la sensibilité artistique sont privilégiés à un éventuel diplôme.

 

Bachir Yellès (c) Wikipédia Commons

Jusqu’en 1964, on retrouve des figures déjà présentes du temps de la colonisation. Étienne Chevalier est toujours professeur de dessin tandis que Léon Claro dispense toujours des cours d’architecture. Des figures majeures des arts appliqués comme Ali Ali-Khodja ou Mohammed Temmam poursuivent également leurs carrières d’enseignants.

 

De 1964 à 1966, le peintre M'hamed Issiakhem, enseigne la peinture et fait souffler un vent nouveau typique de la période post-indépendance. Bachir Yellès initie dès 1963 la création de l’Union Nationale des Arts Plastique (UNAP). Comme le souligne, Nadira Laggoune Aklouche, « La grande question de l’heure était : « Quel art pour l’Algérie ? ». 6

Jusqu’en 1985, aucun diplôme n’est requis à la faveur du talent et de la sensibilité artistique qui sont privilégiés.​

Entretien avec Hellal Zoubir, janvier 2017

Le premier anniversaire de l’Indépendance est célébré par l’exposition Peintres algériens qui réunit toute la scène artistique algérienne : Mohammed Ranem, Mohammed Racim, Ali Ali-Khodja, Choukri Mesli et bien d’autres. A la fin des années 1960, une contestation estudiantine souffle sur le monde universitaire algérien. Menée notamment par Mahmoud Mahdi dit Zorba, Tewfik Guerroudj et Mohamed Athmani, tous trois étudiants en architecture, elle prône de profonds bouleversements dans l’organisation, le contenu des enseignements et dans le statut des étudiants. Une nouvelle période s’ouvre dans l’histoire de l’Ecole : elle prendra fin en 1985 lorsque celle-ci deviendra l’École Supérieure des Beaux-Arts.

​1970-1985 : L’école des Beaux-Arts et L’Ecole polytechnique d’architecture et d’urbanisme

Un nouveau départ

En 1970, la section architecture de l’Ecole est transférée à El Harrach mettant fin à la cohabitation des enseignements artistiques. L’Ecole polytechnique d’architecture et d’urbanisme (EPAU) est placée sous la tutelle du Ministère de l’Enseignement Supérieur et Scientifique alors que l’Ecole des Beaux-Arts est rattachée au Ministère de la Culture et au Ministère de l’Enseignement Supérieur.

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En section beaux-arts, les élèves, du niveau du brevet des collèges, sont acceptés sur concours d'entrée comportant une épreuve pratique et une épreuve théorique. On y enseigne les disciplines suivantes : peinture, sculpture, arts graphiques, art mural, métiers d'art, décoration plane, décoration d'intérieur, communication visuelle, scénographie et esthétique industrielle.

L'évolution des diplômes

Les études sont sanctionnées au bout de trois ans par le Certificat d'Aptitude à une Formation Artistique Supérieure (CAFAS) et par le Diplôme National des Beaux-Arts après une année complémentaire de spécialisation. À partir de l'année 1975-1976, ces diplômes évoluent et deviennent le Certificat d'Enseignement Artistique Généralisé (CEAG) et le Diplôme National d'Etudes des Beaux-Arts.

Choukri Mesli (c) Domaine public

Concernant la pratique artistique, Choukri Mesli et Denis Martinez, tous deux professeurs depuis les années 1960 et jusqu’au milieu des années 1990, marquent la période avec un esprit résolument moderne. Leurs styles picturaux sont le symbole d’une nouvelle ère.

Tournés vers l’abstraction, ils influencent grandement les générations d’artistes à venir. C’est une période de foisonnement créatif qui voit la formation d’artistes importants de la génération suivante notamment dans les domaines de la peinture et de la gravure.

Denis Martinez  (c) Domaine public

DEPUIS 1985 : L'ÉCOLE SUPÉRIEURE DES BEAUX-ARTS

L'école supérieure des Beaux-Arts : une nouvelle tutelle

Le décret du 27 octobre 1985 érige l'École Nationale des Beaux-Arts en Ecole Supérieure des Beaux-Arts et l’établissement est désormais placé sous la tutelle du Ministère de la Culture et du Ministère de l’Education Nationale. Elle a pour but de former en 5 ans des créateurs dans les domaines suivants : peinture, design aménagement (1985), sculpture, céramique, design graphique, miniature (1990).

Les filières de design d’aménagement et de design graphique sont de plus en plus plébiscitées par les étudiants qui y voient des cursus professionnellement prometteurs. L’entrée se fait sur concours et l’école délivre un Diplôme d’Etudes Artistiques Supérieures (DESA). Désormais, l’obtention préalable du baccalauréat est nécessaire pour pouvoir prétendre au concours, sauf pour 5% des demandes qui sont acceptées si les qualités et la sensibilité artistiques du futur élève sont reconnues par le jury.

La décennie noire

Le début de la période est marqué par la direction d’Ahmed Asselah (1982-1994). Il défend de façon inconditionnelle l’art comme moyen d’expression libre dans le contexte tendu de l’Algérie des années noires. Suite à son assassinat et celui de son fils en 1994, au sein même de l’établissement, Mohammed Djehiche prend la succession comme directeur de l’école (1994-2000).

Les directeurs de l'école depuis les années 2000

 

Depuis se sont succédés à la tête de l’école :

Mustapha Bouamama (2000-2002 par interim)

Mohammed Djehiche (2002- 2006)

Hamida Agsous (2006-2007 par interim)

Nacer Eddine Kassab (2007-2011 par interim)

Kamel Chaou (2012-2015)

De nouveau depuis 2015 Mustapha Bouamama.

Le directeur Ahmed Asselah (1982-1994)

Ahmed Asselah (c) Domaine Public

L'école aujourd'hui (c) Tout droits réservés

Tout au long de ces années, l’école aura formé un grand nombre d’artistes reconnus. Parmi de nombreux exemples, citons Kamel Yahiaoui et le caricaturiste Ali Dilem qui étaient élèves à l’Ecole au début de cette période. Entre 1990 et 1994, c’est Adel Abdessemed, aujourd’hui mondialement reconnu dont les œuvres sont présentes dans des collections de musées et de particuliers prestigieux, qui fréquente les bancs de l’école.

 

Depuis sa création et encore aujourd’hui, l’école des beaux-arts d’Alger est un lieu de transmission, de filiation artistique mais aussi d’expression, de contestation, et parfois de révolte. Un esprit complexe qui nourrit à n’en pas douter les aspirations artistiques des artistes algériens.

Notes :

1  Ecole des Beaux-Arts d’Alger, L’Afrique, 12 octobre 1844. En ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694/date

2 Ecole des Beaux-Arts, Statistique générale de l'Algérie / Gouvernement général civil de l'Algérie, , impr. de l'Association ouvrière (Alger), 1882, En ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32783181b/date

3 Les Spectacles d'Alger, 15 novembre 1933, en ligne http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32871600c/date

4 Statistique générale de l'Algérie / Gouvernement général civil de l'Algérie, impr. de l'Association ouvrière (Alger), 1882, Repéré à : ark:/12148/bpt6k5532793q

5 MERCIER, G.S., L’école Nationale des Beaux-Arts d’Alger, Revue non identifiée (archives de la mairie), Janvier 1936

6 Laggoune Aklouche, Nadira, Structure de la réappropriation, Rue Descartes 2007/4 (N°58) p. 128

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